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La Maison de la Plage
15 mars 2010

article sur le 75020.fr :Nouveau cap pour les squats

 

http://le75020.fr/paris-XXe-75020-20e-arrondissement/cfpj/8137-nouveau-cap-squats-miroiterie-boeuf3-maison-plage-20eme.paris-75020-info

Nouveau cap pour les squats

le 75020 .fr, journal web du 20eme arrondissement | Ecrit par  frieunier on fév 11th, 2010 | Rubrique: CFPJ. | Fil information du 20eme arrondissement par le flux RSS 2.0. du 75020 .fr

Vue d'ensemble des locaux de l'Usine gérée par l'association Traces, rue Ramponeau. Photo : Manuel Sanson

Vue d'ensemble des locaux de l'Usine gérée par l'association Traces, rue Ramponeau. Photo : Manuel Sanson

Le quartier leur doit beaucoup. Les squats d’artistes façonnent l’identité alternative de l’arrondissement depuis des années. Aujourd’hui, l’incertitude règne. Menace de fermeture, interventions policières de plus en plus promptes, volonté municipale de régulariser…  les bouleversements s’accumulent. Les artistes « rebelles » vont-ils, petit à petit, rentrer dans le giron de la culture officielle ? « Ce débat agite notre communauté », reconnaît Delphine, membre du réseau intersquat parisien.

Dans le 20e, deux bâtiments, à l’histoire très différente, réfléchissent à la question. Le Boeuf3, 3, rue des Montibœufs, et la Miroiterie, 88, rue de Ménilmontant, sont en mauvaise posture. Passée la trêve hivernale, il y a fort à parier qu’ils soient vidés de leurs artistes. Certains lieux, squats à l’origine, sont désormais animés par des associations sous convention avec la mairie.  D’autres pourraient les rejoindre.

La Miroiterie, rue de Ménilmontant, est un des plus vieux squats de Paris encore en activité. Photo : Manuel Sanson

La Miroiterie, rue de Ménilmontant, est un des plus vieux squats de Paris encore en activité. Photo : Manuel Sanson

« Il n’y a pas de contrôle sur le contenu »

La mairie du 20e devrait expérimenter un nouveau dispositif cette année : « L’idée, c’est de recenser les bâtiments publics vides appartenant à la ville de Paris, détaille Julien Bargeton, adjoint à la culture. Ensuite on pourrait les réaffecter, temporairement, à des associations pour qu’elles y développent des projets culturels. » En clair, la mairie s’occuperait de loger des collectifs d’artistes sans passer par la case occupation illégale. Le conseil d’arrondissement a adopté un vœu en ce sens en septembre dernier, repris ensuite en Conseil de Paris.

La culture squat ne risque-t-elle pas d’y perdre son âme ? « Il n’y a pas de contrôle sur le contenu des projets même lorsqu’ils sont contestataires, explique l’élu. Nous demandons que les associations animent le lieu en l’ouvrant sur le quartier ». Autre condition posée : « S’engager en termes de respect du voisinage et de normes de sécurité pour l’accueil des publics. ». Des exigences qui ne posent pas de problèmes à l’association Traces. Laquelle a signé une convention d’occupation précaire avec la mairie de Paris et occupe une partie de l’Usine (à l’origine, le squat de La Forge de Belleville), au 23-25, rue Ramponeau. Elle reçoit aussi des subventions publiques.

Sophie Nédarezzof est l'une des artistes animatrice des ateliers du mercredi à l’Usine. Photo : Manuel Sanson

Sophie Nédarezzof, membre fondatrice de TRACES et animatrice des ateliers du mercredi à l’Usine. Photo : Manuel Sanson

« Pas le grand méchant loup »

« Notre liberté, on l’a », explique Sophie Nédarezzof, membre fondatrice de TRACES. Ici, l’espace se partage entre ateliers d’artistes individuels et espace d’animation collectif. L’ouverture, cela tombe sous le sens : « C’est notre objectif. Le but, c’est d’accueillir un maximum de publics différents. Ici, il y a des fratries maliennes comme des bobos ou des institutrices. Cette mixité reflète celle du quartier. » Et les relations avec la municipalité semblent apaisées : « On ne considère pas la mairie comme le grand méchant loup qui voudrait tout contrôler. En même temps, c’est aux associations de garder leur indépendance et leur spontanéité. »  La convention passée avec la mairie contraint tout de même à plus de formalisme en matière de sélection des artistes. « C’est une commission où siègent, aux côtés de membres de l’association, des gens de la mairie. Mais ses choix sont transparents », juge la plasticienne.

La Maison de la plage, rue Denoyez, se veut un lieu ouvert sur le quartier. Photo : Manuel Sanson

La Maison de la plage, rue Denoyez, se veut un lieu ouvert sur le quartier. Photo : Manuel Sanson

Ce qui compte : « Le projet pour le lieu »

A un jet de pierre de là, 18, rue Denoyez, l’association La Maison de la plage se démène depuis plusieurs années. Ateliers d’artistes à l’intérieur, animations à l’extérieur, la structure est « ouverte sur la vie et les gens du quartier », revendique sa présidente Marie Decraenne. La quarantaine passée, elle connaît bien le mouvement squat pour y avoir participé par le passé.

Marie Decraenne, présidente de l’association La Maison de la plage. Photo : Manuel Sanson

Marie Decraenne, présidente de l’association La Maison de la plage. Photo : Manuel Sanson

Depuis un an, elle occupe ce lieu avec trois autres artistes en toute légalité. Et sérénité : « Quand t’es en squat, tu peux te faire expulser à tout moment. Tu ne peux pas te projeter dans l’avenir. » L’officialisation permet aussi d’attirer de nouveaux publics : « En général, les gens sont attachés à la légalité. » La convention entre la mairie et l’association symbolise « la reconnaissance de notre rôle dans la société. » Ce qui compte, selon elle, « c’est le projet pour le lieu, non pas la convention signée avec la mairie ». Même si l’institutionnalisation, via les subventions, amène son lot de contraintes : « Côté gestion, c’est plus lourd. A partir du moment où il y a de l’argent public en jeu… »

Bady, plasticien installé au Boeuf3, dans son atelier. Photo : Manuel Sanson

Bady, plasticien installé au Boeuf3, dans son atelier. Photo : Manuel Sanson

« La convention n’a rien à voir avec le côté underground »

Au Boeuf3, squat pur et dur, l’affaire semble entendue. « Si la mairie nous propose une solution de relogement, on est intéressé », explique Bady, plasticien installé ici depuis deux ans. Pour autant, « pas question de devenir une antenne culturelle ». « Je ne crois pas qu’il y ait une volonté d’ingérence, ajoute-t-il. Simplement, la mairie s’intéresse à ce que l’on fait et elle a envie de nous aider. » Au risque de s’éloigner de l’alternatif ? « La convention n’a rien à voir avec le côté underground. Il y a des lieux officiels qui font des choses très novatrices et des squats d’artistes conformistes. » Pas opposé à transiger avec la mairie, Bady n’exclut pas pour autant de rouvrir un squat si aucune solution n’est trouvée d’ici l’expulsion programmée du Boeuf3.

Alex, artiste résident à la Miroiterie, dans la cour du squat. Photo : Manuel Sanson

Alex, artiste résident à la Miroiterie, dans la cour du squat. Photo : Manuel Sanson

Autre lieu, autre ambiance, autre histoire : la Miroiterie. « La Miroit’ », comme la surnomment ses fidèles. C’est l’un des plus vieux squats d’artistes parisiens. « Ça fait dix ans qu’on est là », comptabilise Michel, artiste peintre. Il a participé à l’ouverture du lieu. Aujourd’hui, les tuiles s’accumulent au dessus des illégaux. L’expulsion n’est peut-être plus très loin. Et la question d’un relogement se pose avec acuité. « Ici les gens sont partagés, explique Michel. Les locataires n’ont pas envie de perdre leur liberté. » Organisateur de concert, il n’est pas sûr que le squat intéresse la mairie du 20e : « Ils veulent des lieux bien carrés, bien propres, bien organisés. Les mots subversif, punk, anarchistes les effraient. S’ils signent une convention avec nous, ils veulent contrôler le lieu. » Et ça Michel n’en veut pas.

Alex, artiste peintre installé à la Miroiterie, en pleine création. Photo : Manuel Sanson

Alex, artiste peintre installé à la Miroiterie, en pleine création. Photo : Manuel Sanson

« Un squat ouvert sur le quartier »

Pour le moment, des discussions sont en cours avec la mairie. Mais rien ne semble en sortir. « Notre marge de manœuvre est faible, il s’agit d’un propriétaire privé », note Julien Bargeton, le Monsieur culture à la mairie du 20e. Dommage car « la Miroit », c’est une institution. Ses concerts font du bruit bien au-delà de Paris : « Ici, plusieurs milliers de groupes de la scène alternative se sont succédé, des groupes du monde entier », raconte, très fier, Michel. Alex, artiste peintre installé depuis six ans dans l’un des ateliers, ne serait pas opposé à la signature d’une convention d’occupation précaire.

Sans être dupe des conséquences : « C’est du donnant donnant. Il faudra lâcher quelque chose ». Il ne cache pas son inquiétude : « On est mal. Pour l’instant, il ne se passe rien. Ce serait tellement con qu’un lieu comme la Miroiterie ferme ses portes. C’est un squat ouvert sur le quartier, il lui ressemble. » Et Alex d’insister sur la fibre sociale du lieu : « Ici, le peuple a la possibilité de toucher à l’art. »

Michel, artiste peintre et organisateur de concerts à la Miroiterie. Photo : Manuel Sanson

Michel, artiste peintre et organisateur de concerts à la Miroiterie. Photo : Manuel Sanson

Alors une seule solution, l’officialisation ?

Les pouvoirs publics, Dimitri, squatteur, les connaît bien. Il les côtoie depuis plusieurs années au squat de La petite Roquette dans le 11e. A la fin 2009, avec d’autres, il a tenté d’ouvrir un autre lieu, au 241, avenue Gambetta dans le 20e arrondissement. Sans succès. Les illégaux ont été évacués après une semaine d’occupation. Alors, une seule solution, l’officialisation ? Sa réponse est mesurée : « Il y a un risque que le squat perde son rôle contre-culturel. En même temps tout dépend des conventions. Il faut les étudier en profondeur. Certaines sont satisfaisantes, d’autres non. C’est au cas par cas. »

Encore faut-il qu’elles soient réellement signées et appliquées. Évacué fin 2008 contre la promesse d’un relogement rapide, le squat de La Cartonnerie attend toujours. « On avait pourtant un engagement écrit de la mairie de Paris », souligne Guillaume, un des anciens animateurs du lieu « C’est difficile mais le relogement reste d’actualité, martèle Julien Bargeton. Il y a des révolutions culturelles et mentales à opérer. » La mairie du 20e se verrait bien jouer les précurseurs. Et, aucun doute là-dessus, les squatteurs sauront le lui rappeler.

Enquête de Manuel Sanson

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